Le MIFA : l’« IRM » de l’entreprise pour faire le bon diagnostic

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La question du blog

La réponse de Sandrine

L’intention du MIFA (Material Information Flow Analysis) est, comme son nom l’indique, de représenter l’entreprise du point de vue des flux de matériaux et d’informations. C’est une perspective très différente de celle que l’on trouve généralement dans les entreprises. Les organigrammes représentent la structure organisationnelle et montrent qui est responsable de quoi et de qui. Les workflows, quant à eux, représentent les flux opérationnels et décrivent ce que les gens doivent faire et dans quel ordre pour que tout se passe bien, idéalement. Cependant, lorsqu’on visite les entreprises, on voit souvent assez bien l’organigramme, mais les workflows tels qu’ils sont décrits sur papier ne correspondent jamais vraiment à la réalité du terrain. Les gens sont submergés de demandes diverses et ne suivent que rarement les processus tels qu’ils ont été imaginés, ayant du mal à discerner ce qui est important dans tout cela. La première étape consiste généralement à essayer d’y voir plus clair, et le MIFA est un bon outil pour cela.

Imaginez une image d’IRM montrant les flux liquides à l’intérieur du corps humain, y compris leur direction, leur concentration et leurs ralentissements. Le MIFA propose une représentation similaire : comment les informations et les matières premières circulent dans l’entreprise entre les gens et les machines, dans quel sens, où elles s’accumulent et où elles font défaut. Les premières représentations d’un MIFA ressemblent souvent à un plat de spaghettis plutôt qu’à un processus linéaire comme celui représenté dans les workflows. Elles ne cachent pas la réalité et mettent rapidement en lumière le Muri, Mura et Muda, et pas seulement le Muda comme le ferait une VSM (Value Stream Map). Chaque poste (people et/ou machine) est représenté ainsi que les diverses demandes et matières premières qu’ils reçoivent et leur provenance. On se rend rapidement compte de la grande variabilité des instructions et des matériaux reçus, et de la sur- ou sous-utilisation des ressources. On détecte ainsi les incohérences par rapport à ce qu’on imaginait. Pour rappel, le Muri signifie surcharge, Mura variabilité et Muda gaspillage.

Le MIFA permet ainsi de se faire une meilleure idée de comment l’entreprise fonctionne réellement, et où sont les problèmes principaux à creuser et corriger par la mise en place des outils du TPS. Le MIFA amène également à une réflexion stratégique sur l’utilisation des actifs de l’entreprise, y compris des ressources humaines. Une entreprise numérique a souvent moins d’actifs tangibles qu’une entreprise industrielle, mais elle peut avoir autant, voire plus, de ressources humaines. Représenter le fonctionnement réel et les actifs d’une entreprise numérique avec un MIFA est un véritable défi. Les postes de travail et les personnes sont répartis dans le monde entier, et les employés travaillent souvent de chez eux. De plus, certains équipements, comme les serveurs et les données, sont essentiellement hébergés dans le Cloud. Cependant, un MIFA peut révéler l’utilité et l’efficacité des actifs et des ressources humaines au sein de l’entreprise : avons-nous les bonnes machines et les bonnes personnes au bon endroit ? Avons-nous trop ou pas assez de machines ? De people ? De bâtiments ? Nous avons vu, par exemple, au cours de la pandémie de Covid-19, de nombreuses entreprises technologiques fermer leurs bureaux car les employés préfèrent travailler de chez eux.

Prenons le cas d’Ocere. Ocere est une entreprise britannique ayant rejoint JVWeb il y a 2 ans, et qui propose des services de SEO (search engine optimization) et de création de contenu. 99% du temps, les employés travaillent de chez eux et sont répartis au Royaume-Uni et aux Philippines. Notre tentative de créer un MIFA pour comprendre le fonctionnement n’a pas été simple, mais elle nous a permis de repérer très rapidement le Muri, Mura et Muda, notamment au niveau de la recherche de sites web, activité cœur, et de mettre en place un système kanban pour travailler avec les équipes. De plus, cet exercice nous a amené à réfléchir à un sujet stratégique pour l’entreprise : le nombre, l’organisation et le fonctionnement des équipes de recherche de sites web situées aux Philippines n’apportaient pas la valeur escomptée par rapport aux coûts engagés, et cela avait un impact sur la réussite de l’entreprise.

Dans mon expérience, prendre le temps de dessiner un MIFA peut créer un électrochoc pour les dirigeants, car ils n’ont pas l’habitude de voir leur entreprise sous cet angle, et cela leur donne un levier pour engager les managers et les équipes dans l’amélioration.

Sandrine Olivencia

Sandrine Olivencia

Membre de l’Institut Lean France et associée de Lean Sensei Partners. Co-auteure de la chronique Lean Sensei Women sur le site du Lean Enterprise Institute américain.

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