Kanban, team leaders et gemba walks : trois pratiques clé pour favoriser le kaizen

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La question du blog : Qu’est-ce qui donne envie aux gens de faire du kaizen ?

Un peu de contexte : Un patron, très engagé dans le lean, voudrait « embarquer » ses collaborateurs dans l’aventure, mais il fait face au pushback des équipes (ex. “pas le temps, ça marchera pas ici, on fera ça quand on aura le temps”…).

La réponse de Sandrine

Imaginons qu’un supermarché manque d’un produit populaire, comme une marque de céréales pour enfants. Elle risque de perdre des clients. Plusieurs solutions existent pour éviter ce problème, telles que : 1) essayer de convaincre les clients d’acheter une autre marque, ce qui est risqué et non viable sur la durée ; 2) avoir des stocks importants de la marque populaire “juste au cas où”, ce qui est coûteux à bien des égards ; 3) ne rien faire ; ou 4) repérer le problème avant qu’il ne se produise ou ne devienne trop sérieux. Par exemple, en affichant un signal visuel dès que le stock diminue, le magasinier sait réagir suffisamment tôt pour relancer une commande au bon moment. En cas de hausse imprévue de la demande client, il pourra signaler le problème dès son apparition à son manager et ensemble ils pourront réfléchir à une contre mesure immédiate pour éviter la rupture de stock. Par exemple, ils pourraient négocier avec leurs fournisseurs une livraison en urgence ou acheter plusieurs articles au prix de détail pour couvrir la demande du jour. Plus tard dans la journée, ils prendraient un peu de temps pour comprendre les causes et conditions de la baisse de stocks imprévue et prendraient des mesures pour éviter que le problème ne se reproduise. 

Le système décrit est un exemple de kanban, pratique au cœur du lean. Sans kanban il ne peut y avoir de kaizen sur la durée, car le kaizen est le résultat des problèmes rencontrés au quotidien sur le terrain. 

Pour que les équipes soient motivées à résoudre des problèmes et améliorer leurs méthodes de travail en continu, attirer leur attention sur les bons problèmes est le critère no. 1. Le kanban est avant tout une méthode de visualisation des problèmes de production et de livraison : il permet de prioriser les activités et actions à mener pour sortir le bon produit dans les temps. Les gens ne sont pas bêtes : nous avons tous envie de bien bosser, d’être fier de ce que nous produisons, et d’être récompensé pour cela, pas seulement financièrement. Mais si l’on n’attire pas notre regard sur ce qui est important, nous faisons ce que nous pensons être bien et c’est là que le bât blesse.

Le critère no. 2 pour motiver les gens à faire du kaizen est de former les team leaders et managers à le faire. Le kaizen n’est pas juste une philosophie : c’est une compétence qui s’apprend par la pratique. Nous sommes formatés dès notre plus jeune âge à agir, beaucoup moins à réfléchir : ce phénomène est devenu encore plus évident depuis l’arrivée d’Internet qui « réfléchit » à notre place. Faire du kaizen c’est réfléchir comme un scientifique : je ne fais pas que réagir mais je cherche la meilleure action possible avant d’agir puis j’essaie de voir si je ne me suis pas trompée. Ceci n’est pas un comportement naturel et doit donc être développé. Pour ce faire, le lean préconise de créer une chaîne de mentorat dans l’organisation qui alimente les kaizen. Cela signifie trouver les team leaders et managers qui auront à cœur de tirer cet apprentissage. Paradoxalement, il faut dans un premier temps lancer des kaizen au sein des équipes pour savoir qui accroche. Puis former et faire monter en puissance ceux qui font preuve de leadership, à tous les niveaux.

Ce qui nous amène au 3ème critère clé pour motiver les gens à faire du kaizen : les gemba walks des patrons. En allant sur le terrain chaque semaine, voir chaque jour, les patrons ont l’occasion de former les employés à la résolution de problèmes. Il ne faut pas se tromper : le patron ne va pas sur le terrain pour vérifier que les gens font bien leur boulot mais bien pour montrer le geste du kaizen. Ce qui revient à dire qu’ils doivent eux-mêmes apprendre à faire du kaizen s’ils veulent pouvoir former les autres. Leur objectif principal devrait être, à chaque gemba walk, d’être surpris par les solutions mises en place par les gens et par leur raisonnement pour améliorer leur job et l’expérience client. Les équipes avec un team leader formé et motivé y arrivent très rapidement. Pour les autres, c’est plus dur. Les départements avec à leur tête des managers formés et motivés vont aussi très vite dans leur apprentissage du kaizen, et cela se voit dans les résultats et l’engagement des personnes. Tout comme le kaizen, faire des gemba walks s’apprend, par la pratique avec un sensei qui sait nous montrer ce que l’on ne voit pas et nous faire avancer dans notre réflexion. 

Sans ces trois pratiques clés, le kaizen n’aura pas lieu ou va s’essouffler très vite. Tel un feu de cheminée, il faut du papier journal et du petit bois pour le démarrer puis ajouter des bûches et souffler sur les braises pour attiser la flamme.

Sandrine Olivencia

Sandrine Olivencia

Membre de l’Institut Lean France et associée de Lean Sensei Partners. Co-auteure de la chronique Lean Sensei Women sur le site du Lean Enterprise Institute américain.

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