La question du blog
Toyota ne cache pas son engagement pour la planète et est même très en avance sur les aspects de la neutralité carbone. Comment expliquer que le Juste-à-temps et l’augmentation des fréquences de prélèvement vont dans ce sens ? Peut-être faudrait-il commencer par choisir le juste à temps plutôt que le juste au cas où !
Le Juste-à-temps a peu de sens si nous n’augmentons pas la fréquence de prélèvement des pièces de toute la chaine logistique. A l’image du laitier qui passe tous les matins distribuer du lait frais dans les chaumières, le modèle Toyota pratique le ‘milk run’ avec ses fournisseurs : plutôt que d’avoir un camion de références A le mardi, un camion de références B le mercredi et un camion de références C le jeudi, Toyota vient prélever toutes les références plusieurs fois par jour chez ses fournisseurs : « 15 camions par jour. 12 camions par jour. 50 camions par jour. Chacun des fournisseurs est visité plusieurs fois par jour par un camion qui prélève de toutes les pièces à chaque passage. »
La réponse de Cécile
Cette question oblige avant tout à réfléchir à notre consommation.
Nous devrions tous avoir conscience que dès qu’un produit est inventé, fabriqué, consommé, il utilise des ressources, il pollue, il a un effet négatif sur l’environnement. La moindre ligne de code, pour jouer, pour échanger, pour calculer ou produire participe au réchauffement climatique via les fermes de serveurs. Notre coup de cœur du moment, vêtement, équipement, qui nous sera livré en moins de … un jour, une heure… demande des lieux de stockage gigantesques où les produits attendent nos envies, qui occupent des hectares de sols qui ne peuvent plus nous nourrir. Les cargos qui sillonnent les mers, créant au passage des embouteillages monstrueux dans des ports saturés polluent et consomment dans des proportions effrayantes.
J’arrête là mes exemples… le seul produit qui ne pollue pas, la seule ligne de code qui ne participe pas au réchauffement climatique sont ceux qui ne sont pas produits, pas codés.
Alors ? Décroissance, frugalité, autosuffisance ? Peut-être pouvons-nous y tendre à long terme. Mais pas sans violence, pas sans des conséquences sur la vie de tous que nous n’imaginons pas. Et pas assez vite dans tous les cas.
Sinon, comment faire mieux (mieux pour la planète, mieux pour nos enfants, mieux pour les humains) ?
1 – en proposant des produits nécessaires, durables, adaptés,
2 – en réduisant au maximum tous les gaspillages
3 – en innovant non pas pour créer de nouveaux besoins, mais pour réduire les impacts de notre consommation à tous les stades du cycle de vie de nos produits.
Ces intentions demandent constamment à regarder le long terme (pour penser cycle de vie complet, durabilité, coût d’usage…) et le court terme (pour répondre au besoin réel, ici et maintenant).
Conjuguer le court et le long terme, travailler à la création de valeur pour les clients mais aussi pour la société toute entière, traquer tout le temps les gaspillages, et ceci grâce à l’intelligence de chacun, voilà bien des obsessions d’une approche Lean.
Quel rapport avec les camions ?
Limitons le champ de cette réflexion au Juste à Temps (JAT) pratiqué dans les usines. Le JAT vise à fabriquer ce dont le client a besoin, au moment et dans la quantité dont il en a besoin.
Pour cela, il faut travailler sans cesse à la réduction des temps de cycle pour être plus flexible (s’adapter aux besoins) ; proposer un peu de tout, tout le temps et lisser l’activité pour utiliser toutes les ressources (composants et machines) de façon la plus optimisée. Il faut aussi sans arrêt résoudre les nouveaux problèmes pour être plus agile (faire face à l’inattendu). Le JAT se conçoit de bout en bout, avec des fournisseurs qui sont partie intégrante du jeu. Les entreprises Lean cherchent à travailler avec des fournisseurs locaux, le plus proches possible de l’usine, dans un double but :
- limiter les transports sur de longues distances,
- développer leur flexibilité.
Il ne s’agit pas de sous-traiter les problèmes (les stocks, les variabilités, les composants manquants…) mais de développer ensemble une supply chain robuste et flexible en bénéficiant des savoir-faire des fournisseurs.
C’est ce rythme régulier des camions qui donne le tempo à toute la chaîne, fournisseurs inclus, et qui permet cette adaptation permanente aux besoins réels, en limitant au mieux tous les gaspillages, dont le premier d’entre eux, la surproduction.
J’ai été fascinée, lors d’un voyage d’étude à Fukuoka, de voir comment toute l’île de Kyushu regroupe autour de l’usine Lexus un tissu industriel dense, dans un périmètre réduit. J’ai été impressionnée aussi à chacune de mes visites chez Toyota de voir comment la gestion est adaptée aux différents modèles de supply chain avec des outils et des processus différents suivant la distance, les volumes… (puisqu’il n’est pas toujours possible d’avoir tout à proximité), et comment les fournisseurs sont intégrés dans le flux.
Si on reprend les 3 points d’amélioration indispensables :
1 – proposer des produits nécessaires, durables, adaptés,
2 – réduire au maximum tous les gaspillages
3 – innover pour réduire les impacts de notre consommation à tous les stades du cycle de vie de nos produits.
…des camions plus petits, plus nombreux, sur des circuits plus courts sont beaucoup plus économes pour la planète que les produits bas coûts transportés autour du monde et stockés pour être prêts au cas où.
Le juste à temps est beaucoup plus économe que le juste au cas où…