Startup : le TPS, un moteur de croissance

La question du blog

Une PME industrielle se retrouve prise en étau entre une chaine d’approvisionnement défaillante (délais longs & variables, pénuries de matériaux clefs) et une demande client croissante. Aujourd’hui, l’entreprise n’arrive plus à prévoir et planifier, les collaborateurs s’épuisent entre périodes de rush – attente – rush -…, entrainant une multitude de gaspillages et l’augmentation des plaintes clients : mura entraine muri qui mène aux muda !

Dans le contexte actuel, comment créer les conditions de l’heijunka et retrouver l’équilibre charge / capacité ?

La réponse de Sandrine

La capacité à livrer systématiquement dans les temps ce que les clients veulent est le problème de toutes les entreprises, pas seulement des PME industrielles. Dans le monde des scale-ups digitales (qui sont aujourd’hui présentes dans tous les domaines d’activités et remodèlent nos économies), les chaines d’approvisionnement ne sont pas autant impactées par des pénuries de matériaux. Néanmoins, ces entreprises rencontrent des difficultés à livrer pour des raisons similaires :

  • Variabilité de la demande client, aussi bien en volume qu’en type de produit ou service, 
  • Retards et autres problèmes d’approvisionnements de leurs nombreux fournisseurs de service souvent éparpillés dans le monde entier, et
  • Incapacité des employés à faire leur travail bon du premier coup

La variabilité de la demande dans ces entreprises est souvent le résultat d’une désynchronisation entre les ventes et la production, car le mot d’ordre est la croissance rapide. Les commerciaux vendent tout ce qu’ils peuvent pour tenir les objectifs ambitieux sans vraiment tenir compte des capacités et du savoir-faire de production. C’est le cas d’une entreprise française spécialisée dans le développement logiciels pour diverses industries : leur principale difficulté est d’avoir les bonnes personnes au bon moment pour travailler sur un nouveau projet client. Souvent, les commerciaux s’engagent auprès des clients à démarrer leur projet avec une équipe de développeurs et de coaches agiles avant même de connaître la disponibilité des gens dans l’entreprise. Ceci crée des retards dans le démarrage des projets et une insatisfaction des clients qui découvrent un peu tard qu’on leur avait vendu trois développeurs expérimentés et qu’ils n’ont finalement que deux juniors. La réaction est alors de convaincre des développeurs déjà engagés de rejoindre l’équipe et ces derniers ne sont pas toujours ravis de le faire au dernier moment. Pour éviter ce problème de « rupture de talents » et de frustration des employés, il faudrait que les ventes s’accordent avec l’équipe de « staffing » en discutant des besoins beaucoup plus en amont et en mettant en place un flux tiré entre les deux équipes pour pouvoir anticiper et planifier le recrutement des bons talents. 

Les scaleups tech font souvent appel à des fournisseurs pour exécuter une ou plusieurs activités dans leur processus de production et/ou de livraison. Elles se focalisent généralement sur la partie tech et externalisent le reste. Cela peut créer de gros problèmes d’approvisionnement, tel Uber qui dépend de sa flotte de chauffeurs pour satisfaire la demande de ses clients. Dans ce genre de contexte, il est difficile de contrôler la qualité et la vitesse des livraisons. Pourtant, chaque nouvelle mauvaise expérience avec un chauffeur dégrade un peu plus la réputation de l’entreprise. Il est donc important de développer une étroite collaboration et une relation de confiance avec ses fournisseurs pour garder la maîtrise de toute la chaine de valeur. C’est le même problème avec les services de livraisons ou les vendeurs privés d’Amazon. Une scaleup française spécialisée dans la production de photos pour des plateformes de commandes en ligne doit relever le même défi. Elle a développé un système digital innovant pour traiter et suivre les missions pour organiser des séances photos à distance mais elle a choisi d’externaliser toute la production des photos à des milliers de photographes indépendants dans le monde entier. Ceux-ci peuvent choisir des missions depuis la plateforme, prennent rendez-vous avec les restaurateurs, se déplacent pour effectuer les séances photo, copient les photos sur la plateforme de l’entreprise et informent quand la mission est terminée. Tout comme Uber, il est nécessaire d’avoir une grande couverture géographique mais surtout d’être capable de motiver les photographes pour qu’ils aient envie de prendre les missions proposées et de les mener à bien, même lorsqu’ils rencontrent des difficultés. Une rémunération adaptée est nécessaire mais aussi un soutien rapide en cas de soucis avec un restaurateur via un système kanban et d’andon. Les missions sont triées par lead time et les équipes opérationnelles de l’entreprise traitent les plus anciennes en premier, ce qui leur permet de débloquer le flux des commandes clients. Ensuite, lorsqu’un photographe rencontre un problème, il ou elle « tire l’andon » pour informer l’équipe Ops qui doit réagir immédiatement pour aider à débloquer la situation plutôt que de laisser le système informatique relancer le photographe automatiquement tous les mois. 

La variabilité peut aussi venir de l’intérieur. En voulant croitre très vite, les patrons de scale-ups ont tendance à se focaliser sur les ventes et pas assez sur l’exécution qui se dégrade au fil du temps. L’entreprise ralentit petit à petit, la qualité laisse à désirer, et les ventes finissent par baisser. Cette situation est très fréquente dans le monde des scaleups. J’étais cette semaine en visite chez deux entreprises aux US et au UK, dont les patrons ont choisi d’apprendre le TPS pour remédier aux problèmes de ralentissement de leur entreprise. Ils travaillent dur pour apprendre de chaque problème de qualité généré : en transformant l’environnement de travail pour révéler les problèmes avec un système kanban, en mettant en place des programmes de formation dans l’entreprise pour continuellement développer les gens sur les opérations clés, et en leur donnant les moyens de proposer des solutions innovantes.

En synchronisant les ventes et les opérations, en développant des relations de confiance et des collaborations étroites avec leurs fournisseurs, et en améliorant l’exécution en interne via le développement des gens, les patrons de scaleups sont mieux armés pour réussir leur croissance, même en période de crise.

Sandrine Olivencia

Sandrine Olivencia

Membre de l’Institut Lean France et associée de Lean Sensei Partners. Co-auteure de la chronique Lean Sensei Women sur le site du Lean Enterprise Institute américain.

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