La question du blog
Qu’on le veuille ou non, les crises ont le pouvoir de faire bouger les choses. Ces derniers temps, nous assistons à une succession de phénomènes plus ou moins catastrophiques (pandémies, guerres, inquiétudes environnementales…) qui nous montrent très clairement là où le bât blesse mettant à mal la plupart des supply chains et questionnant la survie du système établi !
Nous devons certainement tirer des apprentissages de cela et rebattre les cartes. Pourquoi le Dantotsu de Nomura-San serait-il la voie à suivre ? En quoi pourrait-il nous aider dans la conjoncture actuelle ?
La réponse de Yves Caseau
Nous vivons depuis trois ans une période d’accélération et d’intensification des crises. L’approche lean est doublement pertinente pour permettre aux entreprises de mieux traverser les crises.
D’une part, la recherche de l’élimination des gaspillages (muda) au profit de ce qui apporte de la valeur au client est une source de résilience car les crises intensifient les couts des gaspillages et « révèlent l’ampleur de la perte de valeur » du « muda ». Dans le monde de l’IT, la recherche de l’efficience énergétique (souvent appelée « Green IT ») prend une valeur supplémentaire lorsque le prix de l’énergie s’emballe. Dans le monde du manufacturing des pneus, la minimisation du poids à performance équivalente devient très vertueuse dans un monde d’inflation forte des matières premières.
D’autre part, la crise est également source d’opportunité, ce qui augmente fortement la valeur de l’agilité. Les entreprises doivent être agile car elles ne connaissent pas le futur, et c’est particulièrement évident en temps de crise. Par exemple, l’élimination constante de la dette technique dans le monde logiciel permet de s’adapter beaucoup plus vite. Il faut « maitriser ses masses » pour être agile, c’est de la physique élémentaire. Le « muda » coute et il alourdit, il augmente l’inertie des entreprises.
Le lean est la voie de l’amélioration continue de l’agilité et de la résilience qui sont les deux vertus nécessaires pour résister et tirer parti des crises. Dans le monde du logiciel, l’approche « lean software development » conduit naturellement au « software cratfmanship » (l’ « artisanat logiciel » au sens du beau geste qui conduit au « beau produit », maximisant la valeur du client et minimisant l’effort et le gaspillage). Le « software craftmanship » n’est pas fondé sur un « retour sur investissement », c’est un « potentiel de situation », l’agilité et la résilience dépendent à la fois des femmes et des hommes, de leur façon de travailler et des qualités intrinsèques des produits. L’approche Dantotsu de l’amélioration radicale de la qualité donne les clés essentielles pour développer cette excellence. Il faut partir de l’observation, aménager son lieu de travail pour rendre les défauts visibles et suivre avec obstination (cf. la méthode en huit étapes proposée par Nomuran-san) l’approche itérative de l’élimination de ces défauts. L’approche des 5S, un des piliers du lean, est un outil essentiel, pour éliminer les défauts tout comme pour développer la résilience et augmenter l’agilité. Cette approche, qui classe, trie, organise, améliore et maintient tous les éléments de la chaîne de production s’applique parfaitement à la pratique du « software craftmanship ». Cette recherche de la qualité totale permet d’absorber les aléas que provoquent les crises et de s’adapter rapidement pour saisir des opportunités, surtout si l’entreprise devient de la sorte plus agile que ses concurrents.